L'oeuvre, le compositeur

LE SERVE RIVALI

Le serve rivali est un livret de Pietro Chiari, représenté sur la musique de Tommaso Traetta au théâtre Giustiniani di San Mosè à Venise en 1766. L’œuvre fut un grand succès et figura parmi les opéras bouffes italiens les plus représentés en Europe jusqu’à la Révolution. 

pietro_chiariPietro Chiari était un écrivain et romancier à la fantaisie débridée, qui jonglait avec les mots et les situations. Son livret n’a rien de vraisemblable, c’est plutôt un entrecroisement de situations grotesques et de coups de théâtre, ponctué d’airs qui proposent à chaque fois des métaphores audacieuses et absurdes, des jeux de mots, tous prétextes par-dessus lesquels l’invention du musicien ne pouvait pas passer. Il en ressort une satire mordante de tous les sentiments humains, de leur instabilité et de la vaine agitation des passions, jusqu’à la crise d’identité et à l’impossibilité de se reconnaître soi-même dont est victime le pauvre Giannino. Même l’amour des jeunes couples, qui continuent de s’affronter et à se faire mal entre eux, n’échappe pas à cette vision pessimiste et désenchantée de la vie qui ne sera pas sans influence sur le grand Mozart.

tommaso_traetta

Tommaso Traetta (1727-1779) est un produit des plus raffinés de l’école napolitaine du XVIIIe siècle. Compositeur d’expérience internationale, passant de la cour « francisante » de Parme à Venise, puis au service de l’impératrice de Russie, et finalement de nouveau à Venise, il est peut-être le plus « français » des compositeurs napolitains. Il est vrai que Traetta est mieux connu pour son expérience de l’opera seria, et pour avoir été le premier, bien avant Gluck, à se tourner vers l’expérience du théâtre français de Corneille et de Racine pour donner une continuité dramatique et une unité de tension aux grandes tragédies en musique. Ses essais, à la cour des Bourbons de Parme, de transplanter en Italie la tragédie lyrique sont parmi les expériences les plus intéressantes du théâtre italien du XVIIIe siècle. Traetta n’écrivit que peu d’opere buffe, mais Le serve rivali, en plus d’avoir connu un succès rapide dans toute l’Europe, présente une musique riche de surprises et d’inventions, avec une veine caricaturale prononcée, surtout quand il fait jouer les deux jeunes paysans dans les danses de la cour de France ; ou quand il fait la parodie de l’opera seria, donc de lui-même, en mettant en musique les visions délirantes de Giannino lorsqu’il est ivre. Un orchestre riche en couleurs offre continuellement l’occasion d’exciter la fantaisie de l’auditeur et des personnages en scène.