Lo Speziale – Argument

Acte I

Amours secrètes, nouvelles inutiles, médicaments dangereux

Dans une boutique d’apothicaire, l’apprenti Mengone (nom réservé à un jeune homme simple et sincère) est occupé à piler des herbes dans un mortier. C’est une tâche ennuyeuse et les pensées du jeune homme sont mélancoliques :

          Tutto il giorno pista, pista:                    ��       Tout le jour, piler, piler:

          Oh che vita amara e trista!                           Oh quelle vie amère et triste !

          E nel core sento amor,                                  Et je sens l’amour dans mon cœur,

          Che anche lui pistando va.                            Lui aussi est en train de piler. 

Mengone est amoureux de Grilletta, la pupille de son patron, Sempronio (nom qui indique, dans la commedia dell’arte un vieux plutôt ennuyeux). Tout le poids de la gestion de la boutique pèse sur les épaules du jeune apprenti qui, en l’absence du patron, distribue au hasard les médicaments aux malades. Sempronio est un pharmacien distrait, toujours plongé dans la lecture de journaux et de revues, avec un intérêt particulier pour les nouvelles inutiles, de celles qui remplissent les illustrés populaires et, à l’heure actuelle, les sites web.

          Trovato hanno gli indiani un’invenzion         Les indiens ont inventé

          Nell’isole Molucche                                      Dans les îles Moluques

          Per far col fil di ferro le parrucche                Une manière de faire des perruques

        �� .                  ������   ��                                              avec du fil de fer.

Ou :

          Nella Cina un uomo moscovito                     En Chine, un homme de Moscou

          Gravido si è scoperto e ha partorito.            Est tombé enceint et a accouché. 

Des nouvelles de ce genre Se succèdent sans ordre : un tuteur qui a épousé sa pupille, le Sofà persan s’est marié (mais le sofa, c’est un divan, non ?), des navires sont partis pour Cefalonia, il y a la peste en Turquie. Quand un client se présente, Sempronio l’importune lui aussi avec des nouvelles stupides :

          Fra la torre di Cremona                          ��      Entre la tour de Cremone

     ��    E l’arena di Verona                                       Et les arènes de Verone

          Una lite si farà di pretesa anzianità…           On se disputera pour savoir qui est

            ��                                      ����    ������������ �� ������   �� ������      ��     la plus ancienne…

Ce nouveau client, qui s’est travesti pour ne pas être reconnu, s’appelle Volpino (le fourbe, le petit renard, qui change d’aspect avec facilité) ; sous le prétexte d’une recette à l’écriture incompréhensible, il s’est introduit dans la pharmacie pour avoir une occasion de rencontrer Grilletta. Le patron s’en désintéresse et c’est Mengone qui doit prendre des initiatives et s’occuper de mettre ensemble au petit bonheur des ingrédients contre les maux d’estomac et la constipation, de la rhubarbe, de la manne1 et des clous de girofle. A peine Mengone est-il passé dans le laboratoire pour rassembler ces ingrédients que Volpino déclare son amour à Grilletta, d’une mani��re insolente et présomptueuse, bien que sachant la jeune fille amoureuse du jeune apprenti.

          Io voglio illuminarvi,                                     Je veux vous ouvrir les yeux,

          Io voglio consigliarvi                                     Je veux vous conseiller

          Uno sciocco lasciar che non ha merto.         De quitter un idiot qui ne mérite rien.��

En butte à la riposte sarcastique de Grilletta, et convaincu d’être le meilleur parti possible pour la jeune fille, Volpino jure de tuer Mengone. L’aria de douce mais mordante ironie que lui chante Grilletta n’y change rien :

          Caro Volpino amabile,                                  Mon cher et aimable Volpino,

          Siete dei pazzi il re.                                       Vous êtes le roi des fous.

          E’ ver siete adorabile,                                   C’est vrai, vous êtes adorable,

          Ma non piacete a me.                                  Mais vous ne me plaisez pas.

          Son nata sfortunata,                            ��         Je suis née malchanceuse,

          Non merto il vostro amor.                  ��          Je ne mérite pas votre amour ! 

Volpino furibond, dédaigné, lance des menaces sans mesure et des promesses de vengeance, comme un h��ros d’opera seria. Et si, au lieu d’être tué, c’était son rival qui le tuait ? Eh bien, même dans ces circonstances, notre héros à quatre sous affronterait la mort et contenterait ainsi la cruelle jeune fille qui ne répond pas à son amour !

Mengone revient, il a terminé le médicament mais il n’y a plus personne dans la pharmacie. Grilletta entre sur la pointe des pieds, l’appelle à mi-voix et lui déclare son amour. Mengone aussi l’aime, mais il a peur de Sempronio. Et justement, le patron arrive pendant que les deux jeunes gens se déclarent leur passion. Sempronio ne comprend pas vraiment ce qui se passe parce qu’il a la tête dans les dernières nouvelles de la guerre entre l’Occident et l’Orient ; pour occuper les jeunes gens, il leur donne l’ordre de préparer divers ingrédients, et s’apprête lui-même à résoudre les problèmes du monde en rédigeant un traité de paix avec division des territoires. Il a besoin de la mappemonde et, pendant qu’il s’éloigne pour aller la chercher, les deux jeunes gens saisissent l’occasion d’échanger un baiser ; même comédie lorsque Sempronio part chercher le compas pour calculer la distance entre les frontières ; mais cette fois, il les surprend et les chasse.

1 dans la pharmacopée ancienne : « exsudat sucré provenant de divers résineux, mélèze, eucalyptus…au fort pouvoir laxatif »

 

Acte II

Le contrat nuptial et les deux notaires travestis

Pendant que Sempronio rumine son ressentiment, Volpino vient ouvertement demander au tuteur la main de Grilletta. Sempronio refuse avec violence et veut s’en aller, mais Volpino le retient en lui apportant une nouvelle de la France qu’il a lue dans une revue, une nouvelle assez allusive :

          Un certo tutore in Francia vi fu                   Il y eut en France un certain tuteur

          Che certa pupilla voleva far giù; ��                Qui voulait s’emparer de sa pupille ;

          E un certo amatore al caro tutore                Et un certain amoureux, au cher tuteur

          Diceva così: Se voi la negate,                       Disait ainsi : Si vous la refusez

          Saran bastonate, ma senza pietà.         %A