Le mot du metteur en scène

Dans un Singspiel, les dialogues servent à faire avancer l’action, comme par exemple dans La Flûte enchantée ou dans L’enlèvement au Sérail de Mozart (qui, par ailleurs, admirait la musique de Benda). Nous avons donc décidé, avec le chef d’orchestre Franco Trinca, de donner les dialogues en français tandis que les morceaux de musique seront chantés en langue originale allemande.

Simplement, quand j’ai lu le livret en allemand, qui ne reprend qu’une partie de la trame du Roméo et Juliette de Shakespeare, j’ai réalisé que les dialogues plombaient l’action par leur longueur et également par un style emphatique qui, à mon avis, ne passerait plus aujourd’hui.

J’ai donc décidé de réécrire intégralement les dialogues en cherchant à resserrer l’action au maximum, ainsi qu’à être le plus concis et concret possible.

Quand je mets en scène des pièces de théâtre, j’en ai monté 9 jusqu’ici, j’évite à tout prix l’illustration car je suis convaincu que moins on montre, plus il y a à voir et à entendre. C’est-à-dire que quand on n’illustre pas, on donne au spectateur la possibilité d’être actif en stimulant son imaginaire et en le poussant à lire le spectacle, voire à développer une réflexion.

Or, à l’opéra, on a justement l’habitude d’illustrer le plus possible, on cherche à créer des images. Par exemple en transposant La Bohème dans un vaisseau spatial ou Lohengrin dans une classe d’école, ce qui nécessite la réalisation de décors très impressionnants, certes, mais dont les images s’essoufflent généralement assez vite et qui sont par ailleurs très coûteux. Avec moi, vous n’aurez rien de tout cela, car j’estime que ces approches parasitent souvent le discours musical, créant ainsi un déséquilibre, on regarde plus qu’on n’écoute, dans ce qui est censé être l’union parfaite entre la musique et le théâtre.

Je travaille donc dans l’épure et dans une radicalité contemporaine pour ce qui est de la scénographie et des costumes (ce ne sera pas une mise en scène classique en costumes et perruques du XVIIIe siècle) ; une efficacité et une simplicité volontaire, sans effets de mise en scène inutiles, qui permettent une meilleure lisibilité du spectacle. Pour ce qui est du jeu, je vise une profondeur, une intensité, ainsi qu’une authenticité dans l’incarnation. En somme, je vais à l’essentiel : c’est-à-dire que pour cet opéra, je mettrai l’accent sur la beauté musicale de l’œuvre, qui est vraiment exceptionnelle, je mettrai l’accent sur l’émotion.

Je précise encore que c’est ma première mise en scène lyrique et que cela fait très longtemps que j’en rêve. J’ai été élevé dans le monde de l’opéra, ma mère était cantatrice et j’ai moi-même chanté des rôles lyriques très importants pendant mon enfance. Plus tard, j’ai étudié le chant avec José van Dam avant de me tourner vers l’art dramatique.

J’espère que vous aurez beaucoup de plaisir à découvrir cette œuvre magnifique.

Elidan Arzoni